Montréal manifeste contre des groupes de black métal accusés d'entretenir des liens avec le mouvement néo-nazi

Selon des antifascistes montréalais, certains des groupes invités à la Messe des Morts seraient connectés à la mouvance du National Socialist Black Metal, un sous-genre du black métal qui fait la promotion d’idéologies néo-nazies. Les artistes concernés nient ces allégations.

Réseau canadien anti-haine



Source: Jean Gagnon/Wikicommons


Plus de deux cent manifestants se sont présentés devant le Théâtre Paradoxe le weekend dernier afin de dénoncer la présence de groupes considérés comme étant liés à une sous-culture néo-nazie. Malgré le brouhaha, le festival s’est tout de même déroulé comme prévu, hormis l’absence de quelques artistes.

Montréal Antifasciste, un regroupement d’activistes et de chercheurs, avait publié au préalable un appel à la manifestation contre la Messe des Morts, citant la présence de quatre groupes « liés à ce courant par leurs thématiques, leurs affiliations ou leurs collaborations ».

Des images publiées sur les réseaux sociaux montrent une très forte présence policière en réponse à la manifestation afin d’assurer une certaine distance entre les manifestants et les festivaliers. Ces mêmes images montrent que du poivre de Cayenne aurait été utilisé contre la foule. Selon Montréal Antifasciste, les manifestants se sont déplacés plus loin de la salle de concert afin d’éviter les confrontations avec les forces de l’ordre.

Avant la tenue du festival, Montréal Antifasciste avait publié des articles illustrant des liens entre certains groupes y participant et le National Socialist Black Metal (NSBM), une mouvance néo-nazie émanant de la culture du black métal.

L’un des courants musicaux fétiches des communautés néo-nazies, le NSBM combine les chants hurlés et l’imagerie satanique du black métal avec des paroles racistes et haineuses. La tendance transgressive du black métal, un genre musical qui se targue de choquer les bien-pensants, est souvent citée par certains fans afin de justifier la présence de groupes qui font l’apologie du nazisme à des concerts.

Le réseau canadien anti-haine à tenté de joindre les équipes du Théâtre Paradoxe et des organisateurs du festival, Sepulchral Production, avant la tenue de la Messe des Morts. Jusqu’à présent, nous n’avons reçu comme réponse que des courriels automatisés nous disant qu’avec la tenue du festival, ceux-ci n’auraient probablement pas le temps de répondre à nos requêtes. Si cela change, nous mettrons l’article à jour en conséquence. 

Nous avons tenté, du même fait, de contacter les groupes participants dont les coordonnées sont accessibles publiquement. 

La seule réponse reçue de la part des groupes concernés était du groupe Marduk: « Vous faites fausse route, mais lâchez pas, c'est bon pour la business ».

Sur les médias sociaux, cependant, les organisateurs de la Messe des Morts ont commenté l’affaire.

« Comme nous l’avons partagé auparavant, en raison d’accusations d’un blogue anonyme visant le festival et certains des groupes devant s’y produire, nous avons décidé, de concert avec le Paradoxe, de renforcer les mesures de sécurité par rapport aux années précédentes », peut-on lire sur une publication Facebook.

Cette même publication mentionne aussi que la compagnie de sécurité privée Garda World a été engagée « afin d’assurer que la Messe des Morts se déroule de façon sécuritaire pour les festivaliers » et que les mesures de sécurité sur place seraient plus strictes que pour les éditions précédentes du festival.

Selon les organisateurs, le service de police de Montréal était sur les lieux afin d’assurer un périmètre de sécurité autour de la salle de spectacle. 

L’un des groupes invités, Horna, n’a finalement pas pu entrer au Canada suite à des délais d’obtention de visa, selon une annonce faite sur les pages de médias sociaux du groupe. Dans le passé, des concerts auquel le groupe aurait dû participer ont été annulés en raison de liens entre Horna et certains groupes liés au NSBM, bien qu’ils maintiennent être « politiquement neutre ».

Dans une publication sur les médias sociaux, Sepulchral Productions avait cependant blamé la couverture médiatique du festival, disant que des informations partagées avec les autorités auraient empêché le groupe d’entrer au pays.

D'autres groupes, comme Sargeist et Chamber of Unlight, n’ont finalement pas été de la partie non plus. Sargeist et Horna ont certains membres en commun.

Malgré ces annulations, deux des groupes dénoncés par Montréal Antifasciste ont offert des prestations, incluant le groupe québécois Akitsa, ainsi que le groupe suédois Marduk. Marduk a même joué plusieurs fois afin de combler les trous dans l’horaire. 

En 2004, Akitsa a sorti un album avec Satanic Warmaster, un groupe lié au NSBM, lequel contiens une chanson titrée « Six Million Tears », en référence aux six millions de Juifs morts en raison de l’Holocauste. En 2009, Akitsa faisait aussi apparition sur Eight Acts of Origin, une compilation avec le groupe néo-nazi italien Gaszimmer, limité à 488 copies.

Plusieurs maisons de disques NSBM choisissent de produire 88, 488, ou bien 1488 copies de certains albums, en référence à un symbole numérique néo-nazi qui signale un appui envers le suprémacisme blanc ainsi qu’Adolf Hitler.

Akista a effectué sa première tournée avec le groupe français Peste Noire, qui se réclame ouvertement fasciste et qui a offert son appui au Régiment Azov, une milice néo-nazie, dans le passé. Le chanteur d’Akitsa, Pierre-Marc Tremblay, a aussi prêté sa voix pour une chanson de Baise Ma Hache, un autre groupe de NSBM français.

Dans une entrevue publiée par Vice en 2015 après la publication du plus récent album de son groupe, Tremblay a indiqué que sa collaboration passée avec des groupes NSBM n’avait aucune intention politique, faisant écho au même dicton utilisé par Sepulchral Productions pour se défendre d’accusations similaires. Ce même article décrit cette citation comme «l’écrasement» des rumeurs entourant les liens d’Akitsa avec le NSBM.

Le groupe suédois Marduk, pour sa part, nie l’existence de liens entre leur musique et le nazisme, bien qu’ils fassent l’utilisation de symboles et de thèmes nazis dans leurs chansons.

Notamment, le groupe a écrit des chansons chantées de la perspective de membres du Troisième Reich, de la Wehrmacht (les forces armées nazies) et de la Schutzstaffel (SS). Leur dernier album, selon Montréal Antifasciste, inclut des chansons faisant référence à plusieurs divisions des SS, à des batailles remportées par les nazis, ainsi qu’à des plans de « résistance après la guerre ». Le titre de l'album, Viktoria, fait lui-même supposément référence au chant de marche des nazis, Sieg Heil Viktoria.

Un coup d'œil rapide à la marchandise vendue par le groupe montre l’utilisation de symboles comme le Totenkopf, aussi utilisé par les SS.

En 2017, deux membres de Marduk ont été identifiés comme des clients ayant acheté des items sur le site web du Nordic Resistance Movement (NRM). Le NRM est un groupe néo-nazi basé en Scandinavie récemment désigné comme une entitée terroriste par le gouvernement américain, suite à la publication de données par le même groupe d’hacktivistes ayant publiés la liste de clients du site nationaliste blanc Midgard en 2023.

Le bassiste du groupe a également été renvoyé après avoir été filmé en train de faire un salut nazi lors d'un concert.

L’édition 2016 de la Messe des Morts avait aussi mené à des manifestations suite à l’invitation du groupe Graveland, dont le chanteur se réclame être un « extrémiste national socialiste de droite » qui admire Adolf Hitler, le décrivant comme l’incarnation de « l’idée d’un empire pour le peuple blanc ». 

Malgré la controverse, les organisateurs de la Messe des Morts ont invité, l’année suivante, le groupe Nargaroth, lui aussi lié au NSBM. Selon un rapport par le zine antifasciste montréalais Dure Réalité, plusieurs festivaliers portaient des symboles néo-nazis et ont fait des saluts nazis lors de cette prestation.

 

Écrit en partie avec des dossiers de Sébastien Roback.

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