Une Maison De Disques Néo-Nazie Vends De La Haine Et De La Propagande

En plus de leurs connections à des gang de rues fascistes et du fait qu’il produisent du métal Nazi, ils expriment aussi ouvertement leur support pour Misanthropic Divison, un groupe associé à un mouvement paramilitaire néo-Nazi en Ukraine.

Sébastien Roback
Canadian Anti-Hate Network



Une maison de disques de la région de Québec ayant des liens avec certains groupes haineux offre une tribune à des groupes de métal racistes.

En novembre dernier, Légitime Violence - ce groupe de “Rock anticommuniste” (RAC) qui sert d’outil promotionnel pour le groupe néo-fasciste Atalante - a annoncé l’arrivé d’un nouveau membre, Steve ”Chtev” Labrecque, en ses rangs, selon un rapport publié par Québec Antifasciste. 

Labrecque est un vétéran de la scène de musique haineuse de la ville de Québec, ainsi que le propriétaire de La Barricade, une maison de disques qui se spécialise dans le ”folklore traditionnel NS (national-socialiste) et la propagande”, selon son site web.

Contrairement à d’autres entreprises du milieu, La Barricade ne tente pas du tout de cacher son jeu. Leur studio d’enregistrement, par exemple, est criblé de symboles haineux.

Leur logo inclus même un sonnenrad (ou soleil noir), un symbole souvent utilisé par les néo-Nazis afin de remplacer la croix gammée. 

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Derrière la batterie du studio pend un drapeau confédéré, et les visiteurs peuvent même voir, à même leur entrée, une bannière lisant ”Misanthropic Division”.

Misanthropic Division est un réseau international de néo-Nazis liés au Régiment Azov, un groupe para-militaire pro-terrorisme qui recrute de nouveaux membres au travers de la scène NSBM.

En 2017, trois membres du groupe ont étés arrêtés en Russie et accusés d’extrémisme ainsi que de justification du terrorisme.

L’année dernière, un admirateur de Misanthropic Division au sein des forces armées américaines a plaidé coupable d’avoir partagé un guide pour fabriquer des explosifs. Des documents présentés en cours démontrent qu’il planifiait d'utiliser ce guide pour s’attaquer à Beto O’Rourke, un ex-représentant du congrès membre du parti Démocrate. 

En 2018, lors d’une manifestation en face du domicile de Gabriel Sohier-Chaput, un éditeur du Daily Stormer, un contre-manifestant fasciste à été photographié en portant un chandail lisant ”NSBM Against Antifa - Misanthropic Division Vinland & La Barricade Label et Distro”.

Le racisme et l’extrémisme ne font pas seulement partie de la vie professionnelle de Steve Labrecque par contre, si l’on se fie à sa présence sur les médias sociaux. 

Des photos tirées de son compte Facebook, où il publie sous le nom de ”Steve Rebel”, le montrent portant une veste ornée d’un Totenkopf, un symbole utilisé par les Nazis durant la seconde guerre mondiale. Les numéros 1488 sont aussi tatoués sur ses jointures. 

1488, c’est une combinaison de deux symboles numériques néo-Nazis. Le nombre 14 représente les 14 mots, un slogan suprémaciste blanc attribué au terroriste David Lane, et le nombre 88 signifie Heil Hitler, puisque H est la huitième lettre de l’alphabet.


Steve Labrecque. Source: Facebook.

Légitime Violence n’est qu’un seul des projets musicaux haineux de Labrecque.

Jusqu’en 2018, il était membre de Folk You!, un groupe folk controversé dont le chanteur est un ancien membre du gang skinhead Ste-Foy Krew. Aujourd’hui, il partage son temps entre Légitime Violence, et ses projets NSBM, Hollentur et Hlk.

Dans Hollentur, Labrecque partage la scène avec son nouveau camarade de Légitime Violence, Félix ”Fix” Latraverse. En Juin 2019, le groupe avait assuré la première partie d’un concert de Baise ma Hache et Légitime Violence, qui s’est tenu malgré un changement de salle à la dernière minute.

En réponse à une publication Facebook faite par Légitime Violence suite au concert, Labrecque a indiqué que c’était ”un honneur” de partager la scène avec le groupe skinhead dont il fait maintenant partie.

Labrecque (en couleur à gauche) et Félix Latraverse (en couleur à droite) avec leurs collègues de Légitime Violence. Source: Facebook

Hlk - précédemment connu sous le nom d’Holocauste - est un projet commun de Labrecque et de Carl Bouchard, un musicien de Lévis. La couverture d’un album promotionnel publié par le groupe inclut une photo des rails de trains menant au camp de concentration d’Auschwitz.

Bouchard, comme Labrecque, peine à cacher ses tendances néo-Nazies. Sur Bandcamp, où il utilise le pseudonyme ”Nokturnal Wolf” mais utilise une photo aussi retrouvée sur son compte Facebook, Bouchard s’identifie lui-même comme un ”chanteur NSBM”. L’utilisation du nom ”Nokturnal” est fort probablement une référence au groupe Nokturnal Mortum, populaire dans la scène NSBM internationale, qui supporte ouvertement le Régiment Azov.

Il est aussi un supporteur de Kristian ”Varg” Vikernes, un homme ayant été reconnu coupable de meurtre et de propagation de la haine qui est connu pour son rôle comme le seul membre de Burzum, un groupe NSBM. Dans plusieurs publications sur un groupe Facebook dédié au Black métal québécois, Bouchard déclare son admiration pour ce dernier.

En 2013, Vikernes a été arrêté sous suspicion de planifier de commettre des actes terroristes.

Il est difficile de savoir si Hlk est toujours actif aujourd’hui. Rejoint pour ses commentaires, Bouchard a déclaré que sa participation dans la scène NSBM faisait partie ”de son ancienne vie”.

Après qu’on lui ai demandé s’il s’était excusé auparavant pour son association au néo-Nazisme, ou s’il avait oeuvré afin de réparer les torts qu’il a causés, il a simplement répondu qu’il ne connaissait plus personne dans la scène NSBM.

Par contre, plusieurs publications récentes montrent qu’il continue d'interagir avec des individus associés au néo-Nazisme.

Labrecque (Droite) et Carl Bouchard (Gauche). Source: Encyclopedia Metallum

Bien que La Barricade ait publié les albums d’Hlk/Holocauste et d’Hollentur, celle-ci est bien plus qu’un outil utilisé par Labrecque pour produire sa propre musique. D’autres groupes liés à la scène musicale haineuse du Québec, comme Atroce, Soleil Noir et Neurasthene ont pu partager leur musique grâce à cette maison de disques. La Barricade a même travaillé avec Légitime Violence pour la publication de leur ”grands succès” en 2019, avant que Labrecque ne les rejoigne. 

Il semble que Labrecque soit présentement le seul employé chez La Barricade, bien qu’un autre néo-Nazi de la ville de Québec, Gabriel Marcon-Drapeau, indique travailler pour la maison de disque. Sur les médias sociaux, où il est aussi connu sous le nom de ”Warhead Rahowa” - une référence au concept néo-Nazi de la sainte guerre raciale (Racial Holy War) ou au nom d’un populaire groupe de RAC canadien - Marcon-Drapeau laisse peu de place à l’imagination quant à ses croyances politiques. 

Dans une publication récente, il encourage à la blague ses amis Facebook à se faire tatouer les nombre 1488 sur leur personne afin de ”supporter Black Lives Matter”. Dans une autre publication, il déplore le décès de Tom Metzger, un néo-Nazi américain mort en novembre 2020 qui, pour un certain temps, était Grand Sorcier du Klu Klux Klan.

Dans plusieurs de ses photos de profil, Marcon-Drapeau pose en face de symboles haineux, comme le drapeau confédéré, ou une bannière de Misanthropic Division.


Gabriel-Marcon Drapeau devant un drapeau de Misanthropic Division Vinland. Source: Facebook

Lorsque questionné par rapport à son emploi chez La Barricade et son support pour un groupe extrémiste, Marcon-Drapeau nous a dit qu’il avait quitté la maison de disque, et qu’il n’avait plus rien à voir avec Misanthropic Division.

Son départ de La Barricade ne l’a pas empêché de chercher de nouvelles façon de profiter en vendant du matériel néo-Nazi, puisqu’il est maintenant le propriétaire de Vinland Striker, un magasin en ligne se spécialisant en la vente d’articles ”de la seconde guerre mondiale”, qu’il a ouvert fin 2020.

Des néo-Nazis dans la scène Black métal

En plus d’être propriétaire de La Barricade, Steve Labrecque s’occupe aussi de Le Marchand de Crime, une distro en ligne qui se spécialise dans la ”musique extrême” vendant musique et vêtements. Le Marchand de Crime, contrairement à La Barricade, ne s’affiche pas ouvertement comme une entreprise néo-Nazi, mais vends exclusivement de la marchandise liée à des groupes NSBM et RAC. 

Malgré cette différence, les deux entreprises sont indéniablement liées, puisque La Barricade affiche les produits vendus sur par Le Marchand de Crime, et dirige même les visiteurs de son compte Instagram vers la page web de ce dernier.

En dépit du fait qu’il cache très mal son support pour l’extrémisme, la communauté Black métal du Québec semble avoir adopté Labrecque comme l’un des siens. En tant que membre du groupe Facebook ”Communauté Black Métal du Québec” - le plus grand groupe dédié au genre de la province - il participe fréquemment dans des discussions publiques et vend sa marchandise, sans l’ombre d’une critique à l’égard de ses opinions politiques qui sont mises à l’évidence sur son profil.

Dans plusieurs publications, le propriétaire de GMML, une petit promoteur des régions, fait même de la publicité pour ses collaborations avec Le Marchand de Crime pour des concours.

Suite à la publication, Benjamin Poindront de GMML Prod nous a contacté par rapport à la relation entre sa compagnie et Le Marchand de Crime.

“Nous avons été en contact une seule et unique fois avec le Marchand de Crimes dans le cadre d'une guignolée de Noël”, nous dit Poindront.

Il s’est aussi engagé à ne plus faire de tribune aux groupes et aux maisons de disques associés au NSBM, et nous a dit vouloir garantir l’intégrité de GMML au sein d'un univers pollué par des groupes et organisations extrêmes.

D’autres membres du groupe partagent de façon routinière les liens pour des chansons NSBM, encensent des artistes néo-Nazis, et font même la promotion de leurs concerts. Les quelques membres qui critiquent ses publications font souvent face à des barrages d’insultes.

La scène Black métal, au Québec comme ailleurs, a longtemps été l’objet de critiques pour sa position nébuleuse envers le racisme et son refus d’exclure les artistes néo-Nazis. En 2016, le festival de Black métal montréalais Messe des Morts à été forcé d’annuler le concert d’un groupe lié à la scène NSBM, Graveland, suite à une manifestation antifasciste. Un peu moins de deux ans plus tard, un petit festival du Saguenay, Skogen Fest, tenait sa première édition avec Graveland comme tête d’affiche.

Steve Labrecque a décliné de partager ses commentaires après avoir été contacté. 

Cette publication à été mise à jour pour inclure les commentaires de Benjamin Poindront de GMML Productions.

 

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