Les médias traditionnels s’arrachent Éric Duhaime

Est-ce qu’une tempête d’attention médiatique pourrait aider l’animateur radio, connu pour ses discours déplacés, à se tailler une place à l’Assemblée nationale?

Sébastien Roback
Réseau canadien anti-haine



Tout le monde parle d’Éric Duhaime depuis qu’il a échangé sa tribune radiophonique pour un podium.

L’ancien employé de Rebel Media a récemment été élu comme chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), un parti sans représentation dans le salon bleu, avec pas moins de 95% des votes.

Depuis, les médias se bousculent afin de lui accorder une entrevue.

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Au lendemain de sa victoire, Duhaime s’est dirigé vers les réseaux sociaux pour vanter son horaire chargé, en publiant un horaire rempli d’entrevues planifiées avec certains des plus grands noms des médias québécois.

Ces entrevues, parfois menées par d’anciens collègues, se sont déroulées presque sans exception sous un ton cordial, sinon amical.

En ondes avec Nathalie Normandeau, avec qui il a partagé le micro de 2015 à 2016, Duhaime a été encensé de compliments, et un invité l’a même décrit comme ‘l’un des meilleurs analystes politiques du Québec’.

Puis, en conversation avec Richard Martineau, Duhaime a eu la chance d’étayer son plan pour un mouvement conservateur et nationaliste au Québec, tout en niant que ses argumentaires attirent des éléments conspirationistes et parfois haineux.

Ses positions controversées par rapport à la gestion de la pandémie ont souvent été discutées lors de ses entrevues. En revanche, les discours racistes tenus dans le passé par celui qui croit que la communauté noire a ‘peu de héros’, que l’Islam est une religion qui vise à dominer le monde et que le racisme systémique n’existe pas au Québec ont étés ignorés sans exception.

Ses liens avec Rebel Media, du même fait, n’ont pas étés mentionnés.

Comme employé de cette tribune de droite, Duhaime a offert une couverture positive à Marine Le Pen, candidate d’extrême-droite à la présidentielle française en 2017, et à partagé de la désinformation par rapport à une motion parlementaire visant à condamner l’Islamophobie.

Cette tournée médiatique a atteint un pic dimanche dernier, alors que Duhaime a fait son apparition dans les studios de Tout le monde en parle.

Contrairement à plusieurs de ses comparses, Guy A. Lepage s’est montré particulièrement critique quant aux positions de son invité, le poussant même à revenir sur une ancienne déclaration controversée à l’effet d’empêcher ceux qui ne paient pas d’impôts de voter.

Cela n’a tout de même pas empêché les supporters de Duhaime de déclarer victoire sur les médias sociaux, tout en se plaignant du traitement injuste décerné à leur candidat.

Sur Twitter, Duhaime à fait écho à ces plaintes, disant qu’il vaut mieux ‘gagner dans l’adversité, que de gagner avec l’arbitre de votre côté.’

Certains craignent que la popularité de Duhaime, son expérience médiatique et sa rhétorique populiste pourraient aider son parti à remporter des sièges lors des prochaines élections provinciales.

Étienne Lanthier (nom fictif), porte-parole de la Coalition sortons les radios poubelles, croit qu’offrir une tribune à Éric Duhaime sans mentionner les opinions qu’il a exprimées sur les ondes pourrait être dangereux.

‘Le risque principal, c’est de banaliser ses idées. De rendre ses idées mainstream, de déplacer la fenêtre d’Overton vers la droite, voire l’extrême-droite que Duhaime a toujours défendue.’

La fenêtre d’Overton est un concept qui représente le spectre des idées permises en société.

Lanthier ajoute que les journalistes, particulièrement ceux de la région de Québec, semblent réticents à mettre en lumière le rôle de Duhaime et de ses comparses des radios de droite dans l’espace public.

‘On peut espérer que des journalistes s’intéressent de près aux idées d’Éric Duhaime. Pas seulement à celles qu’il badigeonne de vaseline en ce moment, mais aussi celles qu’il prônait avant d’être chef d’un parti politique.’

 

UNE PERCÉE POSSIBLE

 

Depuis sa fondation en 2009, le PCQ a eu de la difficulté à rejoindre les électeurs du Québec. En 2018, seulement 1.46% de ceux-ci avaient voté en leur faveur, les laissant sans représentation à l’Assemblée nationale.

Mais en quelques mois seulement, la candidature de Duhaime a attiré des milliers de nouveaux militants. On compte désormais 14,000 membres, presque 3000 de plus que la Coalition Avenir Québec, qui forme présentement le gouvernement.

Le Parti libéral du Québec et le Parti québécois, respectivement, ont 20,000 et 40,000 membres selon les données les plus récentes.

L’expérience de Duhaime comme conseiller politique pour le conservateur canadien Stockwell Day et l’ex-chef bloquiste Gilles Duceppe pourrait aussi jouer en sa faveur.

‘L’expérience, la formation et l’habilité de Duhaime ont fait de lui un des plus grands, sinon le plus grand communicateur québécois. Il dispose de tous les moyens et de la capacité de mobiliser et convaincre les gens’, conclut Lanthier.

La prochaine élection provinciale aura lieu au plus tard le 3 octobre 2022.

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